Récemment, on vous a parlé de la dépression post-partum , et régulièrement on vous parle du fameux 4e trimestre. Aujourd’hui, on s’attarde sur le concept de matrescence. Ce terme, qui commence à se démocratiser, ne désigne pas le baby-blues, et peut survenir au-delà du 4e trimestre. Il s’agit de mères qui ne sont pas en dépression mais pas totalement épanouie non plus. Enfait, la matrescence c’est tous les chamboulements qui suivent l’accouchement : le fait de devenir parent. On pourrait presque dire, telle Simone de Beauvoir, on ne naît pas mère, on le devient. C’est se rendre compte qu’on ne sera plus jamais le ou la même. C’est vertigineux, tant et si bien que ça peut devenir très angoissant. Et surtout, c’est un mal-être invisible aux yeux de l’entourage. Explications.
Un concept pas si récent
C’est une anthropologue américaine, Dana Raphael qui a inventé le terme de matrescence en 1973 ! Elle avait alors remarqué que l’accouchement entraînait des changements spectaculaires sur l’état physique et émotionnel de la nouvelle mère, dans ses relations aux autres et même dans son identité de femme.
La Matrescence c’est la contraction de « maternité » et d’adolescence une période assez ingrate, de transition, assez compliquée, souvent incomprise vu de l’extérieur. Comme pour l’adolescence mais en beaucoup plus court (thank god.) Car comme beaucoup de mères, vous vous êtes peut-être demandée/ dit que vous ne seriez plus tout à fait la même personne. Pas de retour en arrière.
Ce qui vient d’arriver, ce grand bouleversement (forcément heureux dans l’imaginaire collectif), change tout. Remet tout à plat. C’est une nouvelle vie à réinventer. Une nouvelle identité.
Ce concept est révolutionnaire pour l’époque, car pour la première fois on s’intéresse à la mère, à ce qu’elle pense et pas seulement à l’enfant qui vient de naître. Dieu que l’on se sent seule une fois que tous les yeux sont tournés vers le bébé.
La mère, en plus de s’oublier totalement en donnant 300% de son temps à son nouveau-né, entre allaitement, couches, visites, se sent souvent totalement seule et désemparée. Qui va lui demander comment elle va, et comment elle se sent ? Personne.
Tombé dans l’oubli, le concept renaît de ses cendres en 2017 sous la plume de la psychiatre américaine Alexandra Sacks. Dans son cabinet, elle voit défiler des mères qui ne sont pas en dépression post partum mais à des années lumières de l’épanouissement et du bonheur auquel elles s’attendaient.
La psychiatre se sent impuissante car elle ne sait pas comment les aider. Ces mères ne sont pas « malades » simplement en pleine transition. Elle publie donc un article dans le New York Times et développe le concept de matrescence, ébauché presque 50 ans auparavant. C’est l’un des articles les plus lus de la plateforme et Alexandra Sacks enchaîne depuis, interviews, conférences, et elle a aussi créé son podcast. Son crédeau ? Déculpabiliser les mères.
Matrescence ça rime avec bienveillance
En France, faut bien attendre 2019 pour en entendre parler. Et c’est grâce à la journaliste Clémentine Sarlat et son podcast La Matrescence. Devenue maman en 2017, elle raconte que sa carrière à la télévision par exemple, ne l’intéresse plus du tout. Elle est frappée par les grands changements qui s’opèrent en elle après la naissance de sa fille. En tombant sur ce concept de Matrescence, elle a voulu le démocratiser, persuadée qu’elle n’était pas seule, et étonnée que l’on n’ait pas levé ce tabou avant. Derrière le concept de matrescence, il y a une communauté bienveillante de parents, qui vivent cette période transitoire pas forcément évidente. Et lorsque l’on sait que ce n’est pas grave, et que l’on n’est pas seul, forcément c’est réconfortant. Mettre un mot sur ce que l’on ressent déjà, ça fait du bien. La maternité, la parentalité n’est pas aussi rose que l’on voulait nous faire croire.
Pères, mères, parents adoptifs…
Dans un premier temps, il a été scientifiquement prouvé que le cerveau se modifie chez la femme enceinte, puis après l’accouchement pour entre autres, que l’on soit plus connecté avec nos émotions, notamment pour répondre aux besoins de notre enfant. Un bébé, ça ne parle pas, il faut donc être attentif pour reconnaître ses besoins, ses maux et le soulager. Mais au-delà des mères, les études neurobiologiques montrent aujourd’hui que cette transformation du cerveau s’opère également chez les pères très impliqués après la naissance.
Mais également chez les parents adoptifs, les couples LGBT etc. Bref, ce changement neurologique est aujourd’hui avéré, et pas que chez les mères, mais chez les parents en règle générale.
Ce congé paternité qui pose problème
Si ce changement neurobiologique touche tous les parents impliqués, le problème est bien ailleurs. Dans une interview à Brut, Clémentine Sarlat alerte sur le fait qu’un allongement du congé paternité est primordial pour que les mères se sentent moins en détresse. La journaliste insiste sur le fait que lorsque le deuxième parent reprend son travail, un fossé se créé entre la personne qui reprend sa carrière et la mère qui change des couches et se dévoue à son bébé toute la journée, sans avoir souvent le temps de se doucher ou de faire à manger. « Il faut un autre congé parental pour que les mères ne pensent pas qu’elles sont en train de devenir folles. »
C’est un cri du cœur qu’on partage mille fois chez Popote : occupez-vous des mamans ! Apportez-leur votre aide plutôt que des petites peluches que bébé ne remarquera pas avant ses 2 ou 3 ans. Offrez-leur un massage, une heure pour qu’elles prennent l’air, qu’elles aillent au restau, ou juste prendre un café, faire (enfin) une sieste réparatrice. Parler de ce concept, même à ceux qui ne sont pas encore parents, ça peut soulager bien des angoisses. C’est notre conseil : parlez-en autour de vous, déliez les langues, levez les tabous, ensemble, faisons bouger les choses !