Garance Yverneau s’est donnée la mission il y a 10 ans de créer un monde où les femmes ont le droit d’avoir une vie professionnelle et personnelle épanouie. Elle a fondé « Garance&Moi », le 1er cabinet dédié à la carrière des femmes.
Bouleversement du retour de congé maternité, nouvelles aspirations des femmes, envies de reconversion… autant de thèmes abordés lors de l’interview de Garance par la team Popote.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Garance, je suis la fondatrice de Garance&Moi. J’ai 42 ans et j’ai 2 enfants, une petite fille de 5 ans et demi et un petit garçon de 4 ans.
Garance&Moi en quelques mots ?
Garance & Moi a pour mission d’aider les femmes dans leur reconversion professionnelle, à travers un bilan de compétences nouvelle génération qu’on a articulé autour d’une plateforme d’accompagnement et d’une coach dédiée pendant 3 mois.
Quel est votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette aventure ?
J’ai vécu, ce qu’on appelle chez Garance&Moi, « l’errance professionnelle ». Pendant 10 ans, je suis passée de poste en poste, de secteur d’activité au secteur d’activité sans jamais vraiment trouver ma place avec un sentiment d’ennui et de frustration extrêmement fort.
Un jour, j’ai décidé de faire un bilan de compétence. A l’époque, c’était très peu connu, je me suis lancée un peu à l’aveugle et ça a révolutionné ma vie : j’ai pris conscience que l’entrepreneuriat c’était ma voie et que j’allais avoir de l’impact auprès des femmes. Je me suis vraiment demandé pourquoi cet accompagnement, pourtant pris en charge à 100%, n’était pas plus connu des femmes. C’est devenu ma mission : depuis 10 ans maintenant ‘œuvre avec Garance et moi pour permettre à toutes ces femmes d’accéder à une vie à la hauteur de leurs attentes, de leurs ambitions. On accompagne aujourd’hui plus de 1000 femmes par an.
Pourquoi choisir de se centrer sur les femmes
Encore aujourd’hui, elles ont des problématiques, des difficultés qui leur sont propres. Elles sont aussi confrontées à la maternité de manière différente des hommes et à tout ce que ça implique de bouleversements colossaux dans leur vie, et en particulier dans leur vie professionnelle. Les femmes vont se diriger vers 12 familles de métiers spontanément sur les 87 familles de métiers qui existent aujourd’hui en France, et il se trouve qu’elles sont souvent moins rémunératrices avec moins de perspectives de carrière. Les femmes continuent aujourd’hui de gagner 20% de moins que les hommes, à compétence égale. Et les femmes continuent de passer deux fois plus de temps que les hommes à gérer les tâches domestiques, ménagères, familiales, d’où une vraie difficulté à articuler vie pro et vie perso.
On est là pour les aider à vivre ce moment de de transition et à leur ouvrir des opportunités, auxquelles elles n’auraient pas accès toutes seules, pour une carrière stimulante, enrichissante sans sacrifier leur vie personnelle.
Vous avez mené une grande étude avec Ifop. De manière générale, quelles sont les vraies attentes de femmes en matière de carrière professionnelle ?
Il faut savoir que les femmes se reconvertissent pour trois raisons.
La première, l’ennui au travail : pas considérées à leur juste valeur, manque de responsabilités, carrière au point mort… avec le sentiment de ne pas avoir de porte de sortie. La deuxième, le burn-out : au bord de l’asphyxie, pressurisées au travail, syndrome de la double journée… elles explosent en vol. La dernière, le manque de challenge : pas de promotions, perte d’énergie… et l’envie de retrouver les flammes du début.
Et quand elles se reconvertissent, les attentes sont très claires.
1/ L’articulation de la vie pro et perso : flexibilité dans leur temps pour pouvoir à la fois s’investir professionnellement mais aussi passer du temps avec leur famille, sans culpabilité.
2/ Une rémunération plus importante
3/ La recherche de sens et d’utilité au travail : un métier avec plus d’impact en lien avec la raison d’être de l’entreprise ou simplement dans leurs missions du quotidien.
Et pendant la période du congé mat’, qu’est ce qui est encore plus marqué ?
Il y a vraiment une question qui se pose « Quelle place je donne à mon job/ma carrière et quelle place je donne à ma vie de famille ? » Tant qu’on ne l’a pas vécu on ne sait pas réellement ce que ça veut dire que d’avoir un bébé, de devoir aller le chercher à la crèche, d’avoir des horaires fixes. En fonction de l’entreprise, ça va être plus ou moins facile pour elle : si la boîte est flexible voire si elle a des politiques volontaristes ou si c’est une voie absolument pas avancée sur ces sujets-là, il va y avoir un vrai sujet. C’est une période très fragile, elles viennent d’accoucher, elles ont un petit en bas âge, elles ne dorment pas (coucou les dents) et puis avec les hormones font leur job en plus. Elles sont peu aidées, orientées, outillées à ce moment-là de leur vie.
Et le rôle de l’entreprise dans tout ça ?
Au-delà du légal, elle a déjà un rôle moral : on ne peut tout simplement pas écarter 50% de l’humanité. Les femmes sont protégées quand elles sont enceintes et quand elles accouchent avec un retour à l’emploi garanti.
Le départ/retour de congé est un des points centraux dans la carrière d’une femme, c’est absolument évident que les entreprises doivent les accompagner. Certaines fournissent des efforts et/ou ont une politique volontariste le sujet, et dans ces cas-là les femmes ont plutôt tendance à rester. Et je ne parle pas ici de se contenter de respecter la loi mais de réellement faire en sorte que la femme se sente bien et à l’aise dans son articulation vie pro/vie perso à son retour de congés mat.
Si tu devais donner un conseil à une maman qui s’apprête à reprendre le boulot après son congé maternité…
Quand elle reprend son boulot, elle va vite sentir si les planètes s’alignent ou pas. Si elles s’alignent, c’est parfait, ça veut dire que la boîte a tout compris et qu’elle-même est contente de reprendre après son changement de vie.
Mais si elle commence à voir des signaux pas très positifs : le poste n’est pas tout à fait le même, les promotions plus tellement d’actualité, les horaires c’est compliqué… je pense qu’il ne faut pas rester. La vie est trop courte, il faut être exigeante. Les femmes ont le droit d’avoir à la fois une vie pro et une vie perso épanouie à la hauteur de leurs aspirations.
Et ça existe des jobs, des entreprises qui permettent ça.
Un exemple de parcours inspirant ?
Une femme qui était factrice… Elle avait donc un enjeu de sécuriser son emploi et aussi de mieux gagner sa vie. Et puis avec le courrier en voie de disparition, le sujet de la reconversion est assez central. Elle est devenue développeuse, rien à voir donc. Métier, qu’elle ne connaissait même pas avant d’entamer son bilan de compétences.
On a trouvé une formation courte et elle s’est faite débauchée avant même d’avoir terminé sa formation. Elle gagne 4 fois plus et elle est en 100% télétravail, ce qui lui va parfaitement.
Et toi Garance, plus personnellement, tu veux nous raconter tes expériences de retour de congé maternité…
Alors moi j’étais déjà entrepreneuse, donc ce ne sont pas les mêmes problématiques : j’étais mon propre patron donc forcément j’avais plus de flexibilité. Mais être à son compte, c’est aussi pas mal de stress. Les boîtes dépendent de toi, donc c’est compliqué de lever le pied, y compris pendant la grossesse. Pour ma 1ère maternité, j’avais créé une première boîte Happy Family (un lieu family friendly qui n’existe plus aujourd’hui) et j’étais en train de la revendre. J’ai signé, et j’ai accouché une semaine après.
Mon sujet principal c’est l’articulation vie pro, vie perso, que je gère comme beaucoup de femmes je pense. Je fais des arbitrages en permanence : sur le temps que je passe au travail, et le temps que je passe avec eux. Quand je suis au travail je suis vraiment au travail et inversement. Quand je suis avec eux, je ne bosse pas, je ne regarde pas mes mails. Je privilégie la qualité à la quantité. Je trouve aussi que c’est un bon signal envoyé à mes enfants, une maman qui adore son job, qui part le matin travailler avec le sourire et qui prend du plaisir dans sa vie pro. Ça fait partie de mon rôle de parent de montrer qu’on peut s’éclater dans sa vie pro.
Chez Garance&Moi, il y a des initiatives particulières autour de l’équilibre vie pro/vie perso…
Déjà, personne n’a d’horaire dans la boîte. On raisonne en mission d’entreprise, en objectifs collectifs et individuels, chacun sait ce qu’il a à faire et pour le reste peu m’importe la façon dont est organisé le travail de mes collaborateurs. Ça donne beaucoup de flexibilité dans l’organisation des journées.
Et ensuite, on est en 100% télétravail. Bien sûr on a des rituels. Pour les Parisiens, on se retrouve le mardi au bureau, pour les provinciaux, une fois par mois, et ça se passe très bien. La liberté est donc quasi totale dans la gestion de leur temps et de leur lieu de travail.
Des projets particuliers en cours et à venir pour Garance&Moi ?
On a un gros projet qui est de sortir une offre spécifique d’accompagnement à la création d’entreprise pour les femmes (la création d’entreprise est un levier pour mieux gérer la vie pro/vie perso) : la bonne idée, le bon business plan, le bon statut, en lien avec leurs aspirations.
On forme aussi les futurs coachs de carrière : les femmes qui se reconvertissent et qui veulent elle-même faire de l’accompagnement. On les forme en 7 semaines. Le métier de coach est très apprécié car hyper flexible.
Un mot de la fin ? Un autre sujet que tu as envie de partager ?
Sur un sujet parallèle oui : la congélation des ovocytes. Les femmes sont diplômées de plus en plus tard, elles commencent leur job de plus en plus tard, leur carrière s’accélère au moment où il faut commencer à penser aux enfants. Parfois c’est un vrai sujet de se dire, OK je gagne deux ou trois ans mais je sécurise mon projet d’enfants en congelant mes ovocytes et je continue à développer ma carrière si c’est important pour moi. Je me suis beaucoup engagée pour sensibiliser les femmes sur l’impact de l’âge sur leur fertilité avec une vraie démarche de prévention. Si jamais elles n’avaient pas le bon partenaire, la volonté de se concentrer sur leur carrière à ce moment-là ou tout simplement pas l’envie de faire un bébé tout de suite, la congélation des ovocytes est une option.