Que ce soit dans ses romans ou dans ses posts instagram inspirants, Sophie Astrabie nous enchante et nous fait du bien. Toujours le mot juste, elle nous touche droit au cœur en se confiant sur ce qui pourrait juste être les petits plaisirs simples de la vie, elle distille sa réalité, son quotidien, en sachant le rendre juste et poétique à la fois. A 35 ans, elle est maman de trois enfants et nous raconte comment sa maternité a évolué, sans tabou.
Peux-tu nous dire qui tu es, d’où tu viens, où tu as grandi…
J’ai 35 ans, je suis née à Albi, aujourd’hui j’habite à Toulouse, je suis écrivaine et j’ai 3 enfants : Romie 6 ans, Brune 3 ans (et demi!) et Suzanne presque 7 mois. Rien ne me destinait à une carrière dans l’écriture. J’ai fait des études de commerce, j’ai eu un premier job un peu décevant. Et je me suis demandé : « Qu’est-ce qui pourrait te rendre fière ? » Je me suis dit assez naturellement que si j’écrivais un livre, si j’arrivais à finir ce projet-là, ça me rendrait très fière. Je me suis vraiment consacrée pleinement à l’écriture au moment de la naissance de ma première fille mais j’ai commencé l’écriture de mon premier roman il y a à peu près dix ans.
Quels comptes sur la maternité suivez-vous ?
Dur de choisir mais j’aime beaucoup Julia, le compte de Manon Food club me fait beaucoup rire et dans mon top 3 il y a aussi l’univers d’Helene Tosco.
Un livre qui vous a inspiré ?
C’est plutôt un livre qui ne m’a pas inspiré et que je ne conseillerais pas. (Le livre de bord de la future maman de Marie-Claude Delahaye). Je l’ai rouvert quand j’attendais ma 3e fille, soit 6 ans plus tard et tout m’a tendue. C’est un livre comme un semainier sur la grossesse mais qui rappelle de manière assez angoissante les risques pour le fœtus ou pour la mère et qui peut distiller des conseils genre « surveillez votre poids ! » En termes de maternité, beaucoup de choses ont changé en 6 ans, c’est juste le jour et la nuit. Je ne l’ai pas lu de la même manière : quand il y a 6 ans cela me faisait douter de moi, là tout me choquait.
Lire c’est mon métier donc je prends encore le temps de le faire un peu, malgré 3 enfants. Et j’aime lire sur la puissance des femmes. J’ai dû me battre pour récupérer mon identité après la grossesse. Je pense aux livres de Mona Chollet comme « Réinventer l’amour » et « Sorcières » par exemple. Ça apprend à reprendre possession de son corps, à comprendre les mécanismes de la société… On nous apprend à nous, femmes, à chercher l’amour depuis que l’on est toutes petites. On est formatées, programmées pour penser au couple, à fonder une famille. Toutes ces choses qu’il faut déconstruire…
Un film ?
Plutôt des podcasts. Bliss bien sûr. Et puis la Matrescence.
Comment se sont passées tes grossesses ? Ont-elles été différentes ?
J’ai eu des grossesses identiques à chaque fois donc j’étais quasiment sûre (bêtement) d’attendre une fille. Globalement, ce n’est pas du tout une partie de plaisir je trouve. Je me sentais fatiguée, dépossédée de mon corps dans le sens pas capable de tout faire… Bref, loin d’être un épanouissement.
Qu’avez-vous fait comme préparation à l’accouchement ?
Pour ma première fille, j’ai fait une prépa à l’ancienne, genre cours de SVT version adulte. On était les premiers de notre entourage à avoir un enfant, donc on a fait le schéma classique. Et finalement c’était assez chiant disons-le. J’avais l’impression de passer ma vie à faire des RDV liés à la grossesse entre l’hôpital, le gyneco, les prises de sang… En 2017, la parole sur la maternité n’était pas du tout aussi libérée qu’aujourd’hui. Et c’est fou tout ce chemin parcouru.
J’ai fait un peu d’acupuncture. Comme mon premier accouchement n’était pas terrible, j’ai voulu ensuite mettre les chances de mon côté. Pour ma dernière grossesse, j’ai fait le fameux « point du beau bébé », une technique qui permettait d’avoir un bébé serein, plus zen, qui fait ses nuits plus vite. Bon, je sais pas si ça a marché pour Suzanne parce que c’est pas le meilleur poulain du sommeil!
Le truc que je recommande c’est Manon naissance magique, elle m’a appris tant de choses (bien plus que ma première sage femme!) C’est payant mais vraiment si on peut se l’offrir, foncez. Elle a utilisé les bons mots, elle m’a donné plein d’explications, ça m’a vraiment concrètement aidé. Un coup de pouce précieux. Et quand on manque de temps (ce qui était mon cas entre ce troisième enfant et l’écriture d’un roman, c’est un format très pratique!
Comment se sont passés tes accouchements? Est-ce le « plus beau jour de ta vie »?
Pour le premier, j’appréhendais pas trop, je me disais que c’était quelque chose de naturel, que faisait toutes les femmes… Pour Romie, je me suis dit « Allez, c’est parti ». Pour la 3e, je me suis dit « La flemme… » Et même aujourd’hui, alors que ma fille a 7 mois, parfois je rêve que je suis encore enceinte et que je dois aller accoucher et je me dis « Nooooon! »
J’ai fait tous mes accouchements avec péridurale (comment fait-on sans?!). Pour Romie, j’ai eu une hémorragie de la délivrance qui m’a bien fatiguée et… rebelote pour Suzanne. Après on m’avait vendu une espèce d’épiphanie au moment de la rencontre avec son bébé comme s’il était entouré d’un halo de lumière. Je n’ai pas eu de « révélation », comme j’entends dire parfois. Après j’ai eu des accouchements plutôt sans problèmes, tout comme mes grossesses, je n’ai pas à me plaindre.
As-tu allaité?
Pas Romie, ma première. Probablement parce que ma mère m’a fortement conseillé de ne pas le faire et que pour cette génération, allaiter est une privation de liberté. Pour Brune, j’ai allaité mais très peu. J’ai eu très très mal aux seins, le personnel de la maternité n’était pas très aidant. Quand j’ai dit que j’avais mal, on m’a répondu « C’est pas possible. » Pour Suzanne, j’ai eu une sage-femme à domicile qui m’a énormément soutenue, qui m’a expliqué, montré les positions d’allaitement, le tout avec douceur et bienveillance. Donc j’ai allaité un peu, presque 2 mois. J’ai trouvé que c’était sympa mais je n’ai jamais été comme ces femmes qui mettent leur bébé au sein de manière hyper fluide et naturelle!
En revanche, j’ai une petite anecdote sur pourquoi j’ai allaité ma dernière. Le plus dur pour cette grossesse c’est que j’ai écrit un livre en même temps. Alors, quand j’ai refait une hémorragie de la délivrance, j’étais… épuisée mais j’avais un pressentiment. J’arrêtais pas de dire « Vous êtes sûrs que vous avez tout enlevé? » On me prenait pour une folle. On ne me croyait pas. Au bout d’une semaine, j’ai appelé l’hôpital. On m’a dit que c’était mon 3e enfant, que c’était normal d’être fatiguée. Finalement, j’ai fait un malaise dans ma douche et j’ai fait venir ma super sage-femme qui m’a dit d’aller aux urgences. Les analyses ont montré que je faisais bel et bien une infection. Je devais rendre mon livre alors j’étais dans un stress pas possible. Et beaucoup de personnes dans mon entourage m’ont demandé pourquoi je me rajoutais une charge en allaitant. Je l’ai allaitée parce que dans cette période tourbillonnante et fatigante, ces moments précieux étaient ce qui me faisait le plus de bien. Elle me donnait beaucoup de force.
Comment était ton post-partum?
J’ai fait une dépression post-partum pour ma première fille. Je ne sais pas si c’est le contexte ou pas, j’étais pas plus préparée. A l’époque, je détestais ma vie. Je me suis rendue compte que j’allais tout le temps chez le médecin alors que je suis la personne la moins malade du monde! J’avais des palpitations, j’avais mal à l’estomac… On m’a fait une endoscopie digestive car le fait d’être tendue, stressée, déprimée, angoissée, m’avait rongée de l’intérieur. Je ne savais pas ce que je voulais faire, j’habitais dans une ville qui ne me plaisait pas. Ma mère en remettait une couche en disant que si j’angoissais j’allais angoisser Romie. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus forte. Depuis la naissance de Brune surtout, je me suis dit que c’était possible en fait d’être bien. Et ça change tout. (Même si je n’en aurais pas de 4e!)
La maternité entre l’idée que tu en avais et la réalité c’est comment?
C’est différent. Je ne pensais pas que ce serait un tel changement de vie. J’ai pris conscience du déséquilibre entre les femmes et les hommes en ayant mon premier bébé. Quelle injustice! On attend de toi tellement de choses, on ne s’adresse qu’à toi – mère. Quand je pars faire des signatures pour un livre, on me dit parfois : « Comment tu fais avec tes enfants, c’est pas trop galère? » mais on ne pose pas ces questions à mon mari. Avoir un 2e enfant a résolu et apaisé pas mal de choses chez moi. Peut-être que j’ai trop voulu analyser, anticiper, organiser… C’est une responsabilité folle un enfant! Et en offrant une sœur à Romie, je me suis dit que j’étais moins le centre de l’univers de cet enfant, qu’une autre personne allait entrer dans sa vie. Elles sont super proches, très solidaires et jouent beaucoup ensemble.
Petite, tu étais quel genre d’enfant?
C’est drôle, j’ai posé cette question à ma mère hier. J’étais plutôt fonceuse, comme aujourd’hui. J’ai tendance à foncer avant de réfléchir. Je faisais beaucoup de sport (le basket notamment), j’étais compétitive mais je jouais aussi beaucoup seule, je n’avais pas une gigantesque famille avec plein de cousins. Mais j’ai un grand frère!
Ton meilleur souvenir de maman?
Le quotidien c’est un rythme cadencé qui laisse peu de place pour la spontanéité, surtout avec trois enfants… Alors mon meilleur souvenir, c’est ce que j’appelle “un moment de grâce”. Une petite chose qui nous marque à jamais. Un mardi soir, j’ai récupéré ma fille chez sa nounou et on est allées manger une glace toutes les deux au bord du canal, à Paris à l’époque. C’est quelque chose que j’avais jamais fait avec mes parents, et à une heure où j’aurais dû être dans des préparatifs de dîner etc. Bref, un bonheur simple, celui que l’on offre peut-être avant tout à l’enfant qu’on a été.
Ton pire fail?
Je n’ai pas de souvenir de gros gros fail… Ou alors mon cerveau a voulu l’oublier! C’est plus des moments avec une accumulation de poisses. Type : on m’appelle, ma fille est malade, je dois aller chez le pédiatre. Je me rends compte que mon vélo est crevé. Je rentre, je vois qu’une de mes filles a des poux. Je dois ressortir à la pharmacie etc. etc.
Un objet ou accessoire qui sauve la vie?
Des feutres dans son sac, avec une feuille volante. La chaise Stokke, hyper pratique. Suzanne joue dedans, mange dedans, dessine dedans… Mais sinon, la meilleure chose qu’on peut avoir c’est de l’imagination pour les distraire et de penser « diversions » quand ils ont quelques lubies.
Des conseils pour une future ou jeune maman?
Elle en recevra bien assez! Alors de ne pas les écouter. Et mon mantra : tout va bien se passer.
Que souhaites-tu transmettre à tes enfants?
Je voudrais qu’elles sachent qu’elles ont le choix de décider de ce qu’elles veulent faire. On part pas tous avec les mêmes chances, mais j’aimerais qu’elles sachent qu’elles sont fortes. Que la maternité n’est pas un frein à un projet professionnel. J’aurais aimé avoir un rôle model quand j’étais petite et j’aimerais l’être pour elles.