AVEUX DE PARENTS

Confidences : Camille Decrozant, fondatrice de Bam Badam

Camille est la fondatrice de Bam Badam, des livres de naissance personnalisés pour raconter le chemin propre à chacun de la conception (et des premiers jours) de bébé. Oui, chaque histoire est unique et Camille le sait bien car son parcours pour avoir sa fille Alma n’a pas été un long fleuve tranquille… De longues années de PMA avec sa compagne, une grossesse loin d’être de tout repos, un revirement professionnel, un secret de famille… Camille nous raconte tout !  

Camille Decrozant et sa fille bébé

Peux-tu te présenter en quelques mots ? Quel est ton parcours, d’où tu viens…  

Je m’appelle Camille, je suis originaire de Saumur, j’ai 35 ans et je suis passionnée par les livres et les enfants. Quand j’étais petite, j’avais deux rêves : être clown dans les hôpitaux et écrire pour Astrapi. Spoiler : j’ai été bénévole dans les hôpitaux et en effet le soir je berçais les bébés dans les chambres et j’ai écrit pour des magazines pour enfants mais pas (encore ?) pour Astrapi.

Pour raconter mon parcours, j’ai fait des études de lettres et je m’orientais pour être instit. Je suis partie aux Etats-Unis faire un stage et c’est là que j’ai rencontré ma femme qui était également stagiaire dans cette école. En rentrant en France, je me suis engagée dans un master communication et jeunesse avec en ligne de mire l’intégration des médias jeunesse. Je suis rentrée chez Albin Michel et je suis restée 8 ans à la communication marketing, d’abord sur tous les sujets puis spécialisée dans la littérature jeunesse. C’est vraiment une passion ! Chez moi j’ai plus de livres pour enfants que pour adultes. Après la naissance de ma fille Alma, j’ai quitté mon poste pour lancer Bam Badam, une entreprise de livres personnalisés.  

Peux-tu nous raconter ton autre parcours, celui de ta PMA avec ton amoureuse ?  

Tout démarre en 2014, on est bien avant la loi de la PMA pour toutes. Je me suis mariée avec ma compagne et nous voulions toutes les deux des enfants. On s’est renseignées pour voir comment on allait procéder puis notre choix s’est vite porté sur la Belgique et plus précisément à Gand. Déjà pour une question pratique : c’est très accessible en voiture mais aussi parce que nous voulions un donneur semi-anonyme. Faisons court : ma femme a fait 14 essais non concluants. Rien ne clochait chez elle, pas d’endométriose, pas de quelconque raison qui puisse empêcher une grossesse. Nous étions à chaque fois persuadées que ça allait marcher. D’ailleurs à la sixième insémination elle est tombée enceinte. Nous avons été faire la première échographie et là c’était la douche froide : l’œuf était clair. Nous nous sommes accrochées, nous avons continué, continué, jusqu’à faire deux Fécondations In Vitro qui n’ont pas marché. Autant vous dire que c’était extrêmement dur psychologiquement. La décision que je prenne le relai n’a pas été facile. Par chance, je suis tombée enceinte après le 2e essai.  

Comment s’est passée ta grossesse ?  

Ce parcours long et éprouvant nous a enlevé l’insouciance. Nous étions extrêmement heureuses lors de la première écho, entendre son cœur qui bat me rend encore très émotive aujourd’hui ! Cependant, j’ai été angoissée tout au long de ma grossesse et neuf mois… c’est long ! Rien n’a été léger, nous avons eu une très grosse alerte de trisomie 21, j’ai fait du diabète gestationnel, j’ai été arrêtée très tôt car j’avais des conditions de travail toxiques. Pour résumer, faire un enfant, qui plus est en bonne santé c’est une chance ! La grossesse est un moment magique mais je n’ai pas trouvé ce côté « épanouissant » !  

Camille Decrozant avec sa fille et sa femme

Et l’accouchement ?  

J’ai eu un accouchement long et compliqué car Alma avait du mal à passer, elle était mal positionnée. Heureusement j’ai été merveilleusement bien accompagnée. Je ne voulais pas de césarienne et l’équipe médicale a tout fait pour respecter mon choix. Bon j’ai mis à peu près 28 heures à accoucher ! J’avais percé la poche des eaux et je ne m’en étais pas rendu compte. Ils ont décidé de me déclencher et c’était comment dire… sportif. J’ai eu la ventouse, j’ai perdu 3 litres de sang, 14 points, le coccyx déplacé et je n’ai pas pu marcher pendant un mois. MAIS malgré tout je ne suis pas traumatisée. Je me rappelle que j’ai dû changer les couches d’Alma a 4 pattes et aller chez l’ostéopathe en Uber alors qu’il est à 2 rues de chez nous. Aujourd’hui on peut en rire ! Franchement c’était une mission, une aventure que j’ai vécu au jour le jour.  

Est-ce que tu as allaité ?  

Avant d’accoucher, je me suis dit que j’allais essayer sans trop me prendre la tête. Et après la naissance, c’est devenu un but dans ma vie ! Ma fille a eu la jaunisse, elle n’avait pas assez de force pour téter… J’ai donc commencé par tire-allaiter. Rien n’a été simple dans mon allaitement mais comme je suis du genre déterminé j’ai allaité 20 mois au final. Quand j’ai repris le travail, j’allais tirer mon lait dans les toilettes handicapés et je mettais mon lait dans le frigo commun entre les tupperwares de mes collègues ! C’est vraiment pas facile, ni même à assumer. Mais si je devais résumer, je suis très heureuse de l’avoir fait. 

Parle nous de ton post-partum…  

 Pfiou… C’était pas un moment facile mais j’ai la chance d’avoir une femme formidable. Aurélie a pris le relais la nuit quand Alma se réveillait, elle se levait de bonne humeur, elle était merveilleuse. Malheureusement le congé « paternité » (sic) ne durait encore que deux semaines. Après ça je me suis retrouvée assez seule car isolée de ma famille. Alma tétait douze (!) fois par jour et ce pendant plus d’une heure. Physiquement c’était extrêmement dur. Je pense honnêtement que j’ai mis 3 ans à m’en remettre. C’était beaucoup de bouleversements.  

Qu’est-ce que ça a changé pour toi de devenir maman ? Nouveaux moteurs, nouvelles prios…   

 Avant d’être mère, je pensais que ça allait ajouter un enfant dans ma vie, pas forcément impacter mon cerveau, ma façon de vivre et de voir les choses. Et au final, avoir un enfant a été comme une bombe ! Ce qui n’est pas forcément négatif attention ! Je m’explique… D’un point de vue professionnel, j’ai eu le courage de quitter mon travail qui était devenu toxique. A mon retour de congé mat, j’ai été confronté à mes responsabilités et je me suis dit que je ne pouvais plus tolérer ce harcèlement quotidien, que c’était intolérable et qu’il fallait dire « non » à ce genre de violence. Je ne voulais pas de ce monde pour ma fille. Quand on se fait embêter, il faut savoir se défendre. Donc j’ai réussi à faire licencier cette personne et j’ai ensuite eu une rupture conventionnelle. C’était le début de l’aventure Bam Badam…  

D’un point de vue personnel, ce n’est pas nouveau mais la maternité parfois révèle des traumas… Pour ma part c’est un secret de famille et pas des moindres. J’ai réalisé que j’avais une grande sœur, née sous X et je l’ai retrouvée. Tout a commencé quand Aurélie a fait la fausse couche. Je faisais des cauchemars autour d’un enfant perdu. Je me réveillais en sanglots, je ne me sentais pas très bien. Je me suis fait accompagner par une psychologue qui m’a aidé à raccrocher les wagons jusqu’à la piste du secret de famille. Ma mère avait été forcée d’abandonner un enfant à 16 ans et je portais ce souvenir en moi sans le savoir. J’ai demandé à ma maman de m’écrire une lettre pour me raconter toute l’histoire. J’avais besoin de faire ce chemin avant de tomber moi-même enceinte je crois.

Finalement, j’ai eu la chance de la retrouver, elle s’appelle Anne et ce qui est fou c’est que nous avons fait les mêmes études, que nous avions le même travail, moi chez Albin Michel et elle chez Gallimard Jeunesse. Elle a aussi monté sa boîte ! Aujourd’hui on s’entend super bien, on fait Noël ensemble… Donc la maternité dans mon cas, je peux le dire, cela a tout bouleversé !  

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Camille Decrozant sur la plage avec sa fille et sa femme

Dans ton couple, il y a eu des impacts ?  

Avec Aurélie on est devenues une équipe de choc pour élever Alma en ça c’est super car on gère tout ensemble de front et aujourd’hui on a un super équilibre toutes les trois. En revanche, on n’avait plus vraiment de moments à deux. Donc depuis quelque temps on a décidé de s’accorder un rendez-vous hebdomadaire en amoureuses ! Mais sinon tout se passe bien, on est très très heureuses, on mesure la chance qu’on a d’être ensemble.  

Aujourd’hui comment ça va ?  

Très bien ! Alma rentre en grande section. On se pose la question d’un deuxième enfant mais je ne sais pas si on le fera. C’est en cours de réflexion disons. Je viens d’une famille nombreuse et j’ai déconstruit l’idée que l’enfant unique c’était triste. Alma est une petite fille épanouie et c’est tout ce qui compte aujourd’hui ! Quant à moi, je suis vraiment contente de cette aventure entrepreneuriale avec Bam Badam. Raconter ces histoires différentes remplies d’amour me nourrit au quotidien, j’ai l’impression de faire un travail utile et je me sens parfaitement à ma place.