Comment démarrer ce cycle autour du Corps sans parler à Karine André, maman de deux petits garçons mais aussi coach sportive et notamment coach Dynamo Cycling à Paris? Comment concilier le sport avec deux grossesses, comment se reconnecter à son corps, comment vit-on toutes ces transformations? Chez Popote on est du genre curieux alors on a posé toutes ces questions à Karine qui nous a donné son avis, ses conseils, ses ressentis. Entretien.
PARLONS UN PEU DE VOUS
Peux-tu te présenter ? Quel est ton parcours ? D’où tu viens …
Je m’appelle Karine, j’ai 36 ans et 2 enfants. Corto de bientôt 6 ans et Dali de presque 1 an. Je suis coach chez Dynamo Cycling à Paris. Le sport a toujours fait partie de ma vie, mais initialement c’était plutôt un loisir. Dans ma vie pro avant Dynamo j’ai fait du conseil, du marketing… J’ai fait une école d’ingénieur donc je ne me destinais pas du tout à cette carrière! C’est un métier passion, que j’adore. D’ailleurs j’ai repris le travail assez vite après mes accouchements.
D’ailleurs, raconte-nous, comment se sont passées tes grossesses ?
Globalement mes deux grossesses se sont bien déroulées. J’ai quand même eu à chaque fois un premier trimestre un peu difficile, j’avais des nausées, des vomissements tous les jours. Et puis, comme c’est le début, personne ne le savait donc c’était super compliqué à gérer… Je vomissais, j’allais donner mon cours après un brossage de dent rapide : trop sympa! Pour ma 2e grossesse, on est partis en vacances en famille. J’étais enceinte de peu. Ma mère me disait « Hmmm mais c’est bizarre, tu dors tout le temps! » Mais sinon à part ces premiers trimestres crevants (pour qui ne l’est-il pas?) le reste s’est bien passé. On s’est fait accompagner en haptonomie à chaque fois, par deux sage-femmes géniales, et c’était un super moment de connexion avec nos bébés.
Comment se sont passés tes accouchements ?
Mes 2 accouchements se sont bien passés, sans complication, sans traumatisme, ils ont été différents l’un de l’autre mais au final j’ai accueilli mes 2 fils sereinement.
Pour mon premier accouchement j’ai le sentiment que j’étais beaucoup dans le flou, je n’avais pas trop de repère, pas de comparaison, et c’est logique, c’était la première fois. Mais j’ai trouvé que c’était assez médicalisé. J’ai voulu attendre un maximum avant d’avoir la péridurale, mais comme mon travail était long et que j’ai eu des contractions pendant longtemps, j’étais épuisée. Puis au moment de pousser, je me suis dit que je n’ allais jamais y arriver…! J’étais terrifiée. Finalement quelques instants après j’ai eu mon fils dans mes bras et c’était le plus beau moment de ma vie…
Pour ma seconde grossesse, j’avais choisi d’accoucher dans une autre structure. Le travail a commencé quand j’étais à la maison. J’ai senti tout de suite que mes contractions étaient différentes de celles de Braxton-Higgs que tu peux avoir pendant la grossesse. Une amie dormait chez nous pour garder notre fils aîné au cas où nous devions partir en plein milieu de la nuit. Par précaution on s’est rendus assez vite à la maternité car on m’avait dit que pour le deuxième ça pouvait aller très vite ! Mais on m’a renvoyé chez moi car j’étais seulement en « pré-travail » et que mon col ne s’ouvrait pas encore.
Le lendemain j’ai voulu attendre un maximum à la maison. Même si les contractions s’intensifiaient, elles n’étaient pas encore assez rapprochées, du coup je me suis mise au lit avec mes écouteurs pour être dans ma bulle, je me mettais à quatre pattes pour laisser passer les contractions, je vivais le truc à fond. Jusqu’au moment où pendant une contraction je me suis dit « wouah celle-ci elle était très forte » et boum j’ai perdu les eaux. Et là tout s’est accéléré. Branle-bas de combat, on file à la maternité. On est arrivés à 2h30 et à 4h mon fils était dans nos bras. Je garde un merveilleux souvenir de cet accouchement. On était en tout petit comité. J’ai eu une péridurale au bon moment. Et mon fils est arrivé en douceur, il était prêt !
Comment était ton post-partum?
Globalement, je dirais que tout s’est mieux passé la deuxième fois. Pour mon fils aîné, j’étais moins prête, j’avais moins conscience de ce qu’était un post-partum. On en parlait moins qu’aujourd’hui aussi ! Pour mon deuxième fils, qui est né en 2023, j’étais plus informée, plus préparée à tout ce qui se passait pendant un post partum, et bizarrement plus détendue!
Ce n’est pas évident de devenir parent, c’est un nouveau rôle à apprendre, à endosser. Il y a plein de choses que tu ne peux plus faire de la même manière qu’avant, et donc plein d’ajustements à faire. C’est ce que j’ai ressenti la première fois. Puis quand j’ai eu mon deuxième fils, je n’ai pas eu à découvrir ce rôle, car parents, on l’était déjà ! Ce n’est pas le même bouleversement. Je trouve aussi qu’on parlait moins du post partum quand je suis devenue maman pour la première fois (en 2018). Tout était encore flou, on avait moins d’info sur le baby blues. Je vivais certaines choses en me demandant si j’étais normale. La 2e fois j’avais beaucoup plus de connaissances donc j’étais plus sereine.
J’ai aussi la chance d’avoir un mari très présent et très investi dans sa paternité, ce qui m’a permis de vivre mes post-partum en douceur. Avoir un relais, pouvoir me reposer et prendre aussi du temps pour moi, ça aide beaucoup.
Est-ce que tu as allaité?
J’ai allaité Corto presque 3 ans. Et Dali, ça va bientôt faire un an et c’est toujours en cours ! Pourtant dans mes souvenirs, avant d’être enceinte, je me disais que le jour où j’aurais des enfants je n’allaiterais probablement pas, ça ne me parlait pas plus que ça. Puis, pendant la grossesse, on en a beaucoup discuté avec mon mari et je sais pas, ça m’a donné envie d’essayer. Je me suis dit : « On essaye et on verra ! »
Le démarrage de mon allaitement a été difficile. J’avais des crevasses, je ne savais pas comment positionner mon bébé… j’avais l’impression de mal faire, je me posais beaucoup de questions. Les deux premiers mois ont été très durs jusqu’à ce que je vois une super conseillère en lactation. Une femme à qui j’ai pu parler, qui m’a conseillée, qui me comprenait. Pour l’anecdote, j’avais un sein qui était “bouché”. Il ne coulait plus. C’était devenu atrocement douloureux, tout dur, très gonflé… Un enfer. Quand je suis arrivée chez cette consultante, j’ai commencé à lui parler, elle m’a posé des questions, elle etait hyper à l’ecoute, et pendant notre conversation, mon sein bouché s’est mis à couler tout seul… J’en revenais pas ! Je pleurais de soulagement et je n’arrêtais pas de me dire mais c’est incroyable le corps humain! Bref, à partir de là, mon allaitement était lancé et ça a commencé à devenir fluide et agréable. Je me suis dit si je fais 3-6 mois c’est déjà génial et puis finalement le temps a passé et j’ai continué haha ! Quand Corto a eu 2 ans, on a fait le sevrage de nuit, puis à partir de là, je sentais qu’on se dirigeait petit à petit vers la fin de l’allaitement. On a fait les choses à notre rythme, en douceur.
ET CÔTÉ CORPS ?
Quel est le truc qui t’as le plus fasciné ?
Je trouve que c’est fou de construire un être humain quand on y pense. Et que tout se mette en place en suivant un timing précis. Ton bébé qui grandit, qui descend pour se préparer à sortir, les contractions, perdre les eaux. C’est fou ce que notre corps est capable de faire.
Comment décrirais-tu le rapport à ton corps pendant tes grossesses?
Pour ma première grossesse, j’étais assez focus sur moi, je travaillais, je donnais mes cours et continuais de pratiquer. Je faisais attention et m’écoutais beaucoup mais je me sentais bien ! Pour Dali, mon ressenti a été complètement différent. J’ai arrêté de faire du sport à partir de 4 mois. Je le sentais comme ça, j’aurais du mal à l’expliquer clairement mais j’avais envie de me créer un sorte de cocon.
Je ne trouve pas qu’il y ait eu une grossesse mieux que l’autre, elles étaient juste différentes. J’étais moi-même différente. A un autre moment de ma vie, un autre âge, ça joue forcément.
Mon corps a lui aussi changé différemment. Je fais partie des femmes qui prennent pas mal de poids enceinte, j’ai pris respectivement 20 et 25 kilos pour chaque grossesse. Ce n’est pas toujours facile à vivre ces changements dans ton corps, de ton corps, sentir qu’il ne t’appartient plus totalement car tu le partages pendant 9 mois. Je pense que ce sont des périodes qui peuvent être difficiles à gérer et c’est bien normal. J’en parle souvent sur les réseaux car j’aimerais qu’on déculpabilise les femmes de tout ça; un corps c’est fait pour changer. C’est normal que ça change. Je ne dis pas que c’est facile à vivre mais ça fait du bien de voir de plus en plus de « vrai » par rapport à ça sur Instagram.
Qu’est ce qui t’as le plus surpris ? Ce à quoi tu ne t’attendais pas ? Comment tu as géré/gères l’après ?
J’ai repris le sport à environ 6 semaines post-partum, avec l’aval de ma sage femme bien sûr. J’ai repris en douceur, à mon rythme, mais c’est vrai quand même assez rapidement après mon accouchement. En même temps comme c’est mon travail et que j’adore mon job, je voulais m’y remettre assez vite.
Après ma première grossesse j’ai perdu du poids plutôt vite et mon corps est redevenu « comme avant » je dirais. Pour la 2e grossesse, je ne sais pas si c’est le fait que ce soit la 2e ou que je n’ai pas le même âge mais j’ai mis un peu plus de temps à retrouver mon corps d’avant. Et c’est ok ! Aujourd’hui j’ai retrouvé mon poids de forme mais mon corps est un peu différent. Pour la grossesse de Dali j’ai eu énormément de vergetures sur les cuisses, même après l’accouchement. Je savais même pas que c’était possible d’en avoir après, et bien…si! Mais ça ne me dérange pas. Ce sont mes marques de vie.
Encore une fois je dis vraiment tout ça mais chacune est différente dans sa manière de récupérer. Ne culpabilisez pas si vous n’avez pas le temps ni l’espace mental de vous remettre au sport, ça viendra peut être plus tard, ou pas, il y a plein de manières de se réapproprier son corps.
Aimer ce nouveau corps, ça t’inspire quoi?
Mes nouvelles vergetures marquent une période heureuse de ma vie. Je ne trouve pas ça moche du tout, ce sont mes marques de vie. Mon corps a enduré des choses et voici son souvenir. Je les aime bien. Ma peau du ventre est un peu détendue et c’est normal. Le ventre s’est tellement détendu pendant la grossesse quand on y pense !
Je pense que ce n’est pas facile d’être indulgent avec nos corps, on a grandi avec tellement de diktats et d’injonctions ! Déjà on lutte beaucoup pour aimer nos corps, bien vivre leurs changements, les regarder dans le miroir etc. Parfois on a mis des années à apprécier notre corps ou juste cohabiter avec lui. Alors la grossesse peut venir chambouler tout cet équilibre instable qu’on s’était créées !
C’est quoi tes tips ?
Pour moi le truc le plus important ce serait déjà de s’écouter. Prendre le temps, prendre soin de soi si on peut, si on a le temps. Reprendre une activité physique quand on le sent, commencer par quelque chose de doux mais qui nous fait du bien. Du pilates, du yoga, même juste marcher. Reconnecter avec son corps après une grossesse et un accouchement c’est tout un cheminement et ça peut prendre du temps. Donc essayer au max d’être patiente avec le chemin, même si ça peut être difficile au quotidien.
Moi ce qui m’a beaucoup aidé en post partum c’est de m’acheter des jolis vêtements, à ma nouvelle taille, même si elle est « temporaire ». Me masser le corps ou me faire masser lorsque j’en avais le temps et l’occasion. Autant de manières d’accueillir et féliciter ce nouveau corps, de se sentir un peu mieux dans son corps même si on a encore du mal à l’accepter.
AUJOURD’HUI T’EN ES OÙ ?
Quels comptes Insta t’inspirent sur la maternité ? Des podcasts, films, livres qui t’ont aidé pendant tes grossesses ou sur la parentalité ?
Le compte de mes copines Alison Cavaillé, Josepha Raphard; J’aime beaucoup le podcast La Matrescence de Clémentine Sarlat. Et ce qui m’a beaucoup aidé pendant ma grossesse c’est le podcast Bliss Bump. Je l’ai écouté pendant que j’attendais Dali et j’ai adooooré ce podcast. C’est un véritable accompagnement pendant la grossesse, tu te sens moins seule. Ça te raconte chaque mois ce que tu vas vivre de manière super rassurante. On te parle des différents rdv que tu vas avoir. Vraiment c’est un super podcast très intelligent, qui m’a énormément apporté et que j’aurais aimé avoir pour ma première grossesse. Il y a aussi La BD « la naissance en BD » de Lucile Gomez qui te donne super confiance pour l’accouchement, et le livre « le mois d’or » pour bien vivre son post-partum.